Grenoble, le 9 avril 2021
Mobilités douces sur les quais de l’Isère : le statu quo n’est plus possible
Lettre ouverte à Sylvain Laval, vice-président chargé de l’espace public, de la voirie, des infrastructures cyclables et des mobilités douces
Depuis le 2 novembre, les quais Créqui, Stéphane Jay et Claude Brosse sont à nouveau ouverts à la circulation motorisée sur 2 voies, avec la suppression de la bidirectionnelle cyclable TempoVélo de la rive gauche de l’Isère. La décongestion du trafic espérée avec la suppression de la piste cyclable n’a pas suivi, et les embouteillages sont toujours présents, parfois bien en amont de la Porte de France. Par ailleurs, de nombreux autres effets négatifs sont maintenant visibles, renforcés par le retour des beaux jours :
-
Forte augmentation de la vitesse sur cette voie, presque toujours au-delà des 30km/h autorisés et agressivité des automobilistes accrue envers vélos et piétons.
- Dégradation de la qualité du cheminement piéton avec le retour des difficultés de traversée au niveau du Pont Saint-Laurent, même avec le rétablissement du feu tricolore.
- Le retour d’un très fort trafic motorisé sur les quais de l’Isère et les rues adjacentes.
- Les véhicules de secours ne bénéficient plus d’une voie libérée et se retrouvent parfois bloqués dans le trafic (voir photo)
Ainsi, même en répétant à l’envi qu’il ne faut pas opposer les modes, la quasi-totalité de la voirie sur cet axe est de fait dévolue aux véhicules motorisés. La situation ubuesque d’absence totale d’équipement cyclable sécurisé en présence d’un trafic motorisé agressif est de retour : la bande cyclable délimitée par une simple bande blanche à contresens de la circulation n’est même pas continue entre l’Île Verte et la place Hubert Dubedout. Un cycliste souhaitant réaliser cet itinéraire de 1km doit traverser 3 fois le trafic motorisé ! Les piétons sont priés de se tasser sur un trottoir étroit s’ils veulent contempler l’Isère et la Bastille.
Quant à l’option du quai Perrière sur la rive droite de l’Isère, elle n’est pas envisageable pour constituer un axe structurant cyclable. Conçue à la base comme une zone de rencontre, elle est de fait devenue une zone piétonne avec le retour d’une météo printanière et la réappropriation des quais par les habitants du secteur. En conséquence, la circulation sur l’aménagement cyclable est devenue extrêmement difficile voire impossible aux heures de pointe les jours ensoleillés et cela génère des conflits. Il serait malvenu de tenter de chasser les piétons derrière la ligne qui délimite la bande cyclable, de les tasser de part et d’autre des voies motorisées, surtout en cette période où il nous faut respecter gestes barrières en tout temps…
L’ajout de voies de circulation pour les motorisés ne résout pas les problèmes : les embouteillages remontent toujours jusqu’à Saint-Martin-le-Vinoux, les véhicules de secours sont régulièrement bloqués, le trafic est-ouest est intégralement bloqué à Saint-Laurent et sur les axes menant aux ponts de la Citadelle, de Chartreuse et Marius Gontard. À vélo, on ne peut plus passer sereinement nulle part et il est évidemment hors de question d’y faire circuler de jeunes enfants comme on peut l’envisager sur des équipements protégés.
Ainsi, les déplacements sont toujours aussi difficiles et la mobilité n’est facilitée pour personne.
Comme on dit, il est temps d’être « disruptif » et de « changer de logiciel » ! Il est temps de se redonner des marges de manœuvre. L’espace de voirie dédié à la circulation automobile n’est pas utilisé efficacement. Il est temps de ré-affecter de l’espace à d’autres usages, de proposer d’autres moyens de se déplacer que l’automobile qui montre ses limites en termes d’emprise urbaine, de temps de déplacement et de nuisances (pollution, bruit, insécurité, consommation d’énergie).
La récente actualité nous montre la difficulté à assurer la sécurité des déplacements modes actifs en zone urbaine. Seul un re-partage de l’espace public au bénéfice des plus vulnérables pourra assurer cette sécurité
Si, lors de la 2e édition du baromètre des villes cyclables porté par la Fédération des Usagers de la Bicyclette (FUB), les grenoblois·es avaient placé comme première priorité la création d’aménagements cyclables en rive gauche de l’Isère, ce n’est pas un hasard. Nous nous associons à cette demande pour un aménagement cyclable direct, continu et séparé du trafic motorisé sur l’intégralité des quais rive gauche :
-
Cet aménagement ne s’adresse pas uniquement à ceux qui roulent déjà à vélo. Il s’adresse avant tout aux usagers novices, à ceux qui ne vont pas à vélo mais en voiture parce qu’ils ont eux-mêmes peur des voitures, à ceux qui pensent aujourd’hui qu’ils ne peuvent pas faire autrement. Il s’adresse aussi aux plus vulnérables, aux enfants, aux collégiens et à nos aînés. La qualité attendue de cet aménagement doit donc être élevée.
-
Il doit s’inscrire dans la durée afin de permettre de modifier et faciliter durablement les déplacements.
-
Il permettra aussi d’alléger la pression cycliste sur l’hypercentre piéton où sont détournés les usagers cyclistes par l’actuelle bande cyclable dangereuse.
-
Il légitimera la place des déambulations piétonnes sur les quais, en allégeant le trafic vélo côté Saint-Laurent et en permettant un cheminement piéton distancié du trafic motorisé sur la rive gauche.
Dans le détail, nous attirons l’attention sur les points suivants :
-
La séparation et le gabarit de l’aménagement devront être suffisants pour permettre la circulation des véhicules de secours d’urgence en direction du CHU.
-
À l’ouest, la connexion avec la Chronovélo de la gare devra être étudiée et réalisée.
-
À l’est, le débouché vers l’Île Verte et le CHU devra être amélioré et sécurisé.
-
Entre la rue de Lionne et la passerelle Saint-Laurent qui voit passer jusqu’à 30 000 piétons par jour, les piétons doivent également retrouver la priorité 100% du temps pour traverser les voies de circulation contre un feu vert piéton de 20 secondes toutes les 1 minute 15 sec actuellement.
-
Rive gauche, les aménagements permettront de faire enfin respecter la limite de vitesse urbaine de 30 km/h afin de rendre les déambulations piétonnes sûres et agréables sur ce quai.
-
L’étude de solutions pour alléger le trafic motorisé devenu insupportable rive droite, peut-être en étudiant la mise en double-sens du Pont de Chartreuse.
Nous sommes prêtes et prêts à discuter de ces propositions sur la base d’un constat partagé. En ce sens, nous vous invitons à rendre publiques les études de circulation sur les quais.
Dans l’attente de votre réponse, nous restons à votre disposition pour nous mettre autour de la table et trouver des solutions à cette situation qui ne peut rester en l’état.
Les signataires
ADTC – Se déplacer autrement
Union de Quartier Saint-Laurent Rive Droite
quaisIsèreGrenoble-statuquo-impossible
Commentaires récents