Grenoble, le 11 juin 2019

Lettre ouverte à Madame Elisabeth Borne, Ministre des Transports à Monsieur Laurent Wauquiez, Président du Conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes

Objet : maintien des guichets dans les gares SNCF

Madame la Ministre, Monsieur le Président,

les fermetures de guichets SNCF se multiplient dans tout le pays, non seulement dans les petites gares, mais à présent dans celles des villes moyennes. À Chambéry, qui constitue pourtant un nœud ferroviaire important, les guichets n’ouvrent qu’à 11h45!

Dans le même temps, depuis le 20 mars 2019, la SNCF pénalise lourdement les usagers prenant le train sans avoir pu prendre de billet, même s’ils se présentent spontanément au contrôleur. La possibilité d’acheter un billet dans le train au tarif normal disparaît, y compris lorsque la gare de montée est fermée, le distributeur automatique de billets absent ou en panne. La réponse invariable est «vous n’avez qu’à prendre le billet à l’avance et par internet».

Une telle réponse est inadmissible pour une institution ayant une mission de service public :

  • elle ignore les contraintes amenant l’usager à improviser ou à modifier son trajet.
  • elle ignore les difficultés pour finaliser l’achat d’un titre de transport sur téléphone (où l’application plante parfois au dernier moment) ou sur une borne récalcitrante.
  • elle ignore les limites géographiques des bornes.
  • elle ignore les usagers qui n’ont pas de téléphone connecté ou qui ne savent pas s’en servir.
  • elle ignore les difficultés à acheter un billet, celles dues à un problème informatique, comme celles dues à un défaut de conception, par exemple l’impossibilité d’acheter un billet pour un parcours avec plus de deux correspondances.
  • elle enlève à l’usager le choix du mode d’achat, du mode de paiement, de l’itinéraire et même des horaires : le site oui.sncf ne propose qu’une partie de l’offre disponible en privilégiant systématiquement les parcours en TGV et n’affichant pas les TER très utilisés…
  • elle propose sans avertissement des gares différentes de celles demandées (Montpellier Sud de France au lieu de Montpellier Saint Roch par exemple).
  • elle rend nettement plus compliqué le fait de changer son billet (alors que dans le même temps, l’usager qui n’a pas le billet pour le bon train est pénalisé davantage)
  • elle rend nettement plus compliqué le fait de bénéficier de réductions.
  • – elle enlève la possibilité de bénéficier de la dégressivité kilométrique en obligeant l’acheteur
  • à fractionner son trajet (ce qui nécessite déjà une habileté et une connaissance du réseau que peu d’usagers ont.
  • elle exclut davantage les populations moins mobiles, moins à l’aise avec les outils numériques, moins cultivées, ou vivant dans des régions mal couvertes par internet ou dépourvues de dessertes directes en train.

Les seuls usagers qui ne pâtissent pas trop de cette politique sont les abonnés et ceux qui effectuent des trajets très simples, avec au plus une correspondance. Cette dégradation sans précédent, qui met encore plus à mal l’unité de réseau ferré et du territoire, est désastreuse pour les autres et suicidaire pour l’avenir du train.

Les pétitions pour le maintien des guichets ont beau se multiplier, la Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports a beau protester, Le défenseur des droits a beau alerter sur le non-respect des droits causés par la « fracture numérique » ajoutée à la « fracture territoriale », rien n’y fait.

À l’heure où de nombreuses Autorités Organisatrices des Mobilités esquissent des tentatives de rapprochement pour unifier leur tarification et leurs réseaux, l’éclatement de fait du réseau ferré national en entités gérées sans coordination entre elles est un très mauvais signal.

Il est grand temps que le pouvoir politique se saisisse du dossier et impose à la SNCF, et aux opérateurs qui vont intervenir dans le cadre de la mise en concurrence, des obligations de service public et d’interopérabilité qui permettent à l’usager d’acheter facilement un titre de transport, y compris en gare, et y compris si son trajet est composé de plusieurs tronçons pouvant être exploités par des opérateurs différents. La Suisse est un bon exemple en ce domaine.

Les conventions entre les Régions et la SNCF doivent être revues, avec un avenant si besoin, pour maintenir des services physiques et humains de distribution, comme d’autres Régions l’ont fait.

Veuillez agréer, Madame la ministre et Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments distingués.

La Présidente

Nathalie Teppe

Copie :

FNAUT, FNAUT régionales, associations adhérentes à la FNAUT AURA

 

TER en gare de Grenoble

TER en gare de Grenoble

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